Minerve
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Vélo découverte 2
Minerve et le Somail.
(101 km- 2250 m de dénivellation).
Dimanche 2 avril 2017
Le trajet étant long, nous nous sommes donné rendez-vous à 6h15 sur le parking de la Résidence Cévenole où habite Claude, puisqu’il est le seul Gangeois à avoir répondu présent. À 6h10 lorsque j’arrive, il est dans la rue, en tenue courte, à me guetter. Moi qui le croyais frileux. Nous chargeons rapidement son «ORNI», dénomination chère à Celse, dans ma voiture et partons alors que le jour n’est pas encore levé. Mappy indiquait deux possibilités pour se rendre à Saint-Pons-de-Thomières: via Béziers en 152 km et 2h20 ou via Bédarieux en 128 km et 2h40. Nous optons pour la seconde solution, sachant que cet itinéraire traverse de très jolis paysages au-delà de Clermont l’Hérault et Villeneuvette, cette dernière étant, comme chacun sait, l’ancienne Manufacture Royale créée par Colbert, village-usine entièrement consacré à la fabrication des draps. Bien entendu, je vous encourage à visiter cet endroit atypique, si l’occasion se présente car il n’y a pas que le vélo dans la vie
Aux alentours de 8h30 le Pays Saint-Ponais est en vue, pourtant, j’ai roulé tranquillement, respectant scrupuleusement les limitations de vitesse que nous imposent le code mais surtout, les nombreux sycophantes jalonnent ce trajet. Nous avons donc un peu de temps pour aller boire un café en ville avant l’arrivée de nos trois amis (e) s. Bernard, qui n’est pas en terre inconnue, est le premier, suivi de près par le duo de Monoblet, voiture blanche immaculée, vélos soigneusement astiqués, démontés et rangés dans des housses nickel, pied d’atelier pour remonter les roues et régler les dérailleurs, de véritables pros, je prends une leçon mais ne suis pas certain de la retenir
Il est tout juste 9h00 lorsque nous quittons l’aire de stationnement de la gare, chaudement vêtus car le vent est cinglant et frisquet. Nous entrons en ville, tournons à gauche sur la D907 en direction de Minerve et Narbonne et franchissons le pont qui enjambe le Jaur, affluent de l’Orb. Le ruban de goudron s’insinue, large et lisse, dans une étroite vallée le long de la Salesse puis du ruisseau de Cavenac en montant doucement mais sûrement dans un cadre verdoyant et très accidenté. Le ton est donné d’entrée par Claude et la famille Bonnefoux qui prennent rapidement les devants, Bernard, un peu froid, reste à distance, quant à moi, j’appuie davantage sur les pédales, non sans difficulté, pour garder le contact. Cette rampe sinueuse, que je pensais douce est en fait un col d’une dizaine de kilomètres avec un pourcentage moyen de 3,5% culminant à 633 mètres. Je franchis, bon dernier, le panneau de Sainte-Colombe au sommet où m’attendent depuis une poignée minutes mes compagnons. La route descend ensuite dans un paysage constitué d’une succession de monts sans aucune habitation sauf à Rieussec où nous la quittons n’ayant croisé que deux ou trois voitures, un véritable bonheur. Nous nous engageons sur la D147 qui rejoint, elle aussi Minerve, mais en une vingtaine de km au lieu de douze, à travers une contrée quasiment vierge, d’une beauté à couper le souffle avec un imbroglio de monts boisés, de vallons encaissés, de roches et de gorges escarpées où coulent d’impétueux torrents entrecoupés de cascades et de rapides comme le Briant dont nous reparlerons plus tard. Nous faisons plusieurs haltes pour admirer ce magnifique décor mais aussi pour photographier une adorable chapelle en pierre de taille, dédiée à Saint-Michel. Elle trône sur un monticule au milieu d’un immense cirque, en contre-haut et à l’écart de Boisset. À la sortie du ci-avant nommé, la route remonte imperceptiblement jusqu’à atteindre un vaste plateau incliné vers le sud et couvert d’une végétation plus rare. Nous changeons subitement d’environnement, pénétrant sur le causse, autrement dit le calcaire avec ses roches grisâtres et ocre, ses barres rocheuses et sur notre gauche les rives supérieures du canyon du Briant, que je mentionnais ci-avant, ce dernier, malheureusement inaccessible sans une marche d’approche dans la garrigue, exclue, en ce qui nous concerne, avec les godasses à bascule de certains. La descente est magnifique, dégagée et parfaitement plane jusqu’au promontoire dominant la mythique cité cathare où nous nous arrêtons un instant pour jouir du panorama.
Les vicomtes du cru qui fondèrent ce bourg l’appelèrent Ménerba et embrassèrent la foi dite «Parfaits», pas prétentieux les nobliaux. En 1210, un certain Simon de Montfort irrité par la déviation de cette valetaille occitane, rasa la citadelle, brûla les hérétiques et décréta que la seule vérité était celle du Pape Innocent III, étrange patronyme pour le commanditaire de tels massacres. Cette histoire est un épisode de la Croisade contre les Albigeois. Elle subit ensuite les assauts d’un prince anglais, puis de bandes armées espagnoles, puis les affres des guerres de religion au XVIème siècle, et encore la révolte des vignerons (au moins une cause sérieuse) en 1907. Depuis, le village s’est replié sur lui-même, coincé sur son éperon rocheux au confluent de la Cesse et du Briant, consacrant ses efforts à la châtaigne, l’olive et la vigne, cette dernière plantée voici presque deux millénaires par les Romains. Aujourd’hui, Minerve est réputée pour ses vins de grande qualité, la splendeur de son site, classée parmi les plus beaux de France et le tourisme attirant plus de 300 visiteurs par an. Outre sa situation exceptionnelle et ses tunnels naturels creusés dans la falaise par le cours impétueux de la Cesse, elle compte un pont-viaduc assez récent, de magnifiques maisons de pierre, une léproserie, une église et une chapelle catholiques mais de lieu de culte protestant, nenni, les ruines d’un donjon et de fortifications, deux musées mais aussi plusieurs marchands du temple comme tous les lauréats de cette illustre association. De magnifiques sentiers de randonnée sillonnent le Causse au départ de ce remarquable bastion médiéval.
De notre côté, nous nous contenterons d’une visite dans les ruelles tortueuses et pavées sur nos fidèles destriers, je veux dire nos bécanes et d’un arrêt au Choco Bar, où Frédéric, le Maître des lieux, nous élabore un divin breuvage après avoir pilé des tablettes de chocolat délicatement parfumé, avoir infusé le broyat dans du lait bouillant et versé le tout dans un verre à double paroi pour ne point se brûler. La préparation est un peu longue mais le résultat est vraiment délicieux et dommage pour celle qui a opté pour le café
Un peu après 11h00 nous franchissons l’enceinte par la bien nommée rue des remparts au bord des falaises du Briant, rejoignons le parking des visiteurs puis la D10E1 parallèle au profond canyon de la Cesse et ses porches monumentaux (228 et 126 mètres de long) que l’on peut explorer à la saison sèche. La route s’élève tranquillement mais un fort vent d’ouest contrarie nos efforts, ça tiraille un peu dans les jambes et les cuisses, du moins dans les miennes car mes coéquipiers s’avèrent plus fringants. Vers le Moulin d’Auzan, le beau ruban de macadam s’écarte de la rivière, grimpant vers le hameau de Fauzan où j’ai repéré un restaurant, ce dernier, installé dans une bastide cossue est encore fermé et peu en rapport avec nos besoins de vélo découvreurs dilettantes. Jusqu’à Saint-Julien-des-Meulières, la route ne cesse de monter entre vignobles à gauche et plateau sauvage à droite. Il est maintenant midi et nous nous inquiétons de ne point trouver de quoi nous restaurer, il y a, bien sûr, Courniou et Saint-Pons-de-Thomières, mais c’est encore très loin. Arriverons-nous avant que les ventres ne crient famine? Vers le village, la D12 s’oriente plein nord et s’insinue dans un vallon resserré à la végétation inextricable, nous protégeant des effets du zéphyr, puis s’enfonce dans la vallée sauvage de la Cesse à travers un paysage très attrayant.
Ça descend un peu mais remonte de plus belle jusqu’à Ferrals-les-Montagnes où, à notre grande surprise, nous découvrons l’inattendue Auberge de Ferrals. Il s’agit d’un établissement à l’aspect simple avec une véranda et des volets bleus au bord de la rue de la Montagne Noire dominant le cours sauvage de l’Espigeoles, tributaire de la Cesse qui prend sa source dans les environs. La température franchement fraîche et un léger crachin nous contraignent à ne pas profiter du cadre enchanteur de la terrasse. La salle, joliment décorée, est presque pleine mais la maîtresse de maison nous installe dans un coin, distribue les cartes et nous sert l'apéritif offert par Jean-Luc. La cuisine traditionnelle est élaborée et d’excellentes qualités aussi bien au niveau des hors-d’œuvre, des plats et des desserts, y compris la spécialité locale que ne m’a pas conseillée la patronne, servie dans un énorme poêlon en terre comme un cassoulet, appelée «éginat de porc». C’est très goûteux mais un peu lourd et certainement handicapant pour la suite des hostilités, mais je suis prévenu, la gourmandise et surtout la curiosité sont de vilains défauts et je les revendique sans honte. Nous avons passé un moment sympathique et convivial abordant de multiples sujets, mais, juré, nous n’avons pas cassé de sucre sur le dos de ceux qui ont renoncé à cette escapade
Après le café et la note très raisonnable, nous reprenons notre balade sous un ciel devenu bleu et un rayon de soleil, et comme souvent par une grimpette. La fricassée de cochon, comme me l’avait gentiment suggérée l’aubergiste s’avère un peu pesante et je n’entame pas la montée du col de Serrières (678 m pour 8 km de 2% à 6,5%) dans des conditions optimales. Je lâche rapidement le groupe emmené à un train d’enfer par le duo gardois parti en chasse derrière notre doyen souverain qui oublie les modestes performances dont sont capables les cyclotouristes lambda comme moi. Bernard, quant à lui, en bon calculateur, roule à sa main, sachant qu’il reviendra dans leur sillage avant le sommet où je ne serai pas pour contrôler l’ordre des passages. La route bascule ensuite en larges boucles dans la forêt jusqu’au lieu-dit Galinier, la maison forestière Alexandre, puis le petit village de Verreries-de-Moussans et là, lesté par un kilo de jarret mijoté dans une sauce onctueuse, je rattrape largement le temps perdu.
l’entrée de l’agglomération, nous empruntons la grande départementale 920, désertée à pareille heure, et abordons une nouvelle montée, courte, cette fois-ci, le col des Usclats (660 m long de 2 km avec un pourcentage variant de 4,4% à 6%). Si les effets secondaires de ma galimafrée se font encore sentir, les calories qu’elle contient me donnent le punch pour suivre le train imposé par le «métronhomme» qui a retrouvé son rythme imperturbable. La chaussée dévale ensuite dans le défilé du ruisseau de l’Usclats pour rejoindre la large et profonde vallée de la Salesse et la D612 où la circulation est légèrement plus importante. Au centre de Courniou, nous récupérons la Passa-Païs, une vieille connaissance, dans son écrin de verdure et de fleurs au pied des contreforts occidentaux de l’Espinouse dont les hauts sommets émergent de la forêt du Somail. Je vais pouvoir souffler un peu sur les 13 km qui nous séparent de Saint-Pons puis de Riols. Nous profitons de la beauté du lieu, des oiseaux, des couleurs et senteurs du printemps et pédalons paisiblement sur cette ancienne ligne de chemin de fer recouverte d’un sable compacté parfaitement roulant même après la pluie.
Dans la souriante localité riolaise, nous marquons une pause, scrutant avec inquiétude la crête des montagnes où nous devons nous rendre, 675 m lus haut, le GPS affichant déjà plus de 1550 m pour seulement 80 kilomètres. Jean-Luc, surpris par l’imposante muraille qui se dresse devant nous où je lui indique notre destination s’exclame «Ah, quand même», Christelle, fusionnelle avec sa moitié ne dit mot, Claude reste impassible, plus rien ne l’impressionne maintenant sauf à gamberger sur la charge disponible de sa batterie, quant à Bernard et moi, nous avons déjà affronté cette rude ascension, avec des sensations différentes, certainement
Après une brève halte, nous nous lançons à l’assaut du col du Cabaretou (941 m pour une dizaine de km avec une dénivellation variant de 5% à 7,5%. j’avais gardé le souvenir d’une pente plus sévère). Chacun à notre rythme, nous suivons les longs lacets de la D57 qui gravit un versant très boisé laissant parfois la vue se perdre aux confins du Languedoc (c’est magnifique). J’arrive bon dernier mais pas trop exténué au croisement avec la D907 où, seul, Claude m’attend sur le parapet d’un pont. Son autonomie n’étant plus que de 10/15%, il n’est pas très enclin à monter jusqu’au rituel panneau, 100 mètres plus haut et 2 km plus loin, nos trois partenaires, sur le chemin du retour, nous en dissuadent en raison d’un vent violent qui souffle sur les cimes. Nous redescendons prudemment la grande route, balayée par de fortes rafales, jusqu’à la ville et le parking où nous sommes contents de nous abriter de la fraîcheur dans nos véhicules.
Ce fut une très belle sortie sur des routes en parfait état comme nous aimerions en avoir dans nos Cévennes, très peu de circulation et de monde, un somptueux village et des paysages sauvages avec un dénivelé inattendu et un temps, somme toute, acceptable……. Une intéressante découverte pour Christelle, Jean-Luc et Claude mais une occasion manquée pour les absents
Jacky "Le Troubadour Cévenol"