Baleares
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BALÉARES 2 019.
(Du 20 au 28 avril ).
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Bruno, Caroline, Celse, Claude, Denis, Evelyne, Guy, Huguette, Jacky, Jacques, Jean, Laurent, Marie-Thérèse, Michelle, Myriam, Nadia, Nicole, Noëlle, Patrick, Simone, Suzy, Thierry et Yolande.
Collection de photos: Clic içi
En préambule à ce compte rendu, voici quelques informations basiques sur ce pays qui a agréablement surpris ceux qui n’y étaient jamais allés dont nous sommes Yolande et moi et ravis tout le monde.
Les Baléares sont une communauté autonome d’Espagne depuis 1 978, elles sont composées des îles Gymésies (Majorque, Minorque et d’autres îlots) et Pityuses (Ibiza, Formentara et quelques rochers). Elles couvrent presque 5 000 km2 équivalant à la superficie d’un département comme celui où vivent nos amis Évelyne et Thierry, dont 3 640 km2 pour la seule Majorque. Elles sont peuplées d’environ 1 120 000 habitants, soit une densité au km2 de 223 personnes, le double de la France et presque le triple de l’Espagne. 220 km séparent Port Alcudia de Barcelone, la traversée demandant 6 à 8 heures (pour info elle est de 430 km depuis Toulon). Les langues principales sont le catalan et le castillan, mais on y parle beaucoup l’allemand car les ressortissants d’Outre-Rhin représentent une large proportion des 16 millions de touristes qui déferlent sur cette région de janvier à décembre. Il me semble aussi qu’on y perçoit, de nos jours, un jargon aux accents variés le « bicyclophonais ».
Les Néolitiques finissants furent les premiers occupants de l’archipel, leurs descendants subirent les invasions successives des Phéniciens qui leur donnèrent un nom et leur fourguèrent une camelote hétéroclite, des Rhodiens qui y fondèrent des comptoirs pour qu’ils se débarrassent de ces pacotilles, des Carthaginois qui enrôlèrent les redoutables frondeurs îliens dans leur armée, des Romains qui fondèrent Palma et Pollença, des Vandales et des Wisigoths (tiens donc, déjà des Germains !) qui ravagèrent et pillèrent tout ce qu’avaient construit leurs prédécesseurs, des Byzantins qui boutèrent ces tristes sires hors de la Mare Nostrum, des Arabes qui leur refilèrent la culture, le Coran et l’Islam, du royaume d’Aragon qui échangea ces valeurs, non sans violence contre la croix et la Bible et j’en passe, c’est-à-dire un remarquable mélange qu’on constate partout en Méditerranée. Ajoutons à cela, la perfide Albion, toujours présente dans les sales coups, qui fit main basse sur Minorque au XVIIIe siècle.
Récemment, déboulèrent des troupes germaniques sur les plages, des bambocheurs cosmopolites dans les pince-fesses d’Ibiza et des spécialistes de la manivelle de toutes tailles et des deux sexes sur le réseau routier. En sus de tout ce monde, il y aurait, m’a-t-on rapporté, une peuplade étrange, scindée en petits clans, sans doute aborigène. Chacune guidée par un Gourou intrépide, elle hanterait les forêts profondes ou les sommets noyés dans les nuages et le brouillard pour fuir les foules qui se prétendent civilisées. On les dit pacifiques, armés seulement de bâtons pour trimarder, de boîtiers magiques pour s’orienter et de besaces pour transporter leur pitance, certains, plus ripailleurs, seraient devenus adeptes de Picrate, le Dyonisos local, on les reconnaîtrait à leurs chaussettes molletonnées, leurs bérets noirs et à un goulot dépassant de leur pochon. Peu de quidams ont croisé leur regard extasié et même leur chemin car ils haïssent le bitume et le sable où se pressent les homos-portables, des « Accro-Magnon » des Temps Modernes !!
Nous n’avons, bien entendu, rien à voir avec tous ces ragots et le caquetage qu’il suscite, quoique certaines de nos discussions en soient proches lorsqu’un ou deux verres nous chauffent les oreilles.
Samedi 20 avril :
Le rendez-vous est fixé à 12 h 30 sur le parking des pompiers de Ganges, où Gérard est venu, un brin nostalgique, assisté aux derniers préparatifs. Le départ est donné par le Pirate dès que tout est en ordre et que le dernier ait rejoint le groupe, je ne le nommerai pas pour ne point entacher sa belle image. La circulation est dense en ce jour de vacances pascales mais ne pose aucun problème jusqu’au terminus où nous embarquons, après plus d’une heure d’attente, sur le Génova de la Compagnie Corsica Ferries. Chacun recherche sa couchette à la proue puis nous nous rendons au bar pour partager un verre. À 19 h 00 précises, le bateau appareille, glissant doucement dans la rade de Toulon dominée par l’élégante silhouette du Mont Faron. La traversée du premier bassin est tranquille, celle du second entre les pointes du Rascas à tribord et de Carqueiranne à bâbord moins calme, l’accès à la haute mer est plus perturbé laissant présager une navigation agitée. Nous dînons au self, rien de bien affriolant sur la carte mais la marche chaloupée des clients de la caisse à leur chaise amuse ceux qui sont parvenus sans encombre à la leur. Nous regagnons nos cabines où le tangage est moins marqué mais la nuit s’annonce d’ores et déjà remuante.
Dimanche 21 avril : Circuit n° 1 de 67 km et 500 m de dénivelé ou 100 km et 800 m de dénivelé.
Plusieurs d’entre nous ont eu maille à partir avec leur estomac et ont dû rendre au Génova pizzas, nouilles, salades et même tiramisu. Les mines ne sont pas réjouies et le cœur n’y est pas à 5 h 00 lorsque les haut-parleurs nous informent que la terre est en vue, que le ciel est chargé et que la température est de 5°. À 6 h 30, nous descendons dans les entrailles du ferry, récupérons nos voitures et évacuons le bord à la recherche d’un bar pour le petit-déjeuner. Port-Alcudia et Alcudia sont désertes, tous les commerces ont portes closes et nous trouvons notre bonheur à la Cafétéria Nakara bondée car seule ouverte dans la ville. El désennuya est peu ragoûtant pour les naufragés au teint livide mais à peine suffisant pour les vieux loups de mer que ce roulis a plus creusé que dérangé.
Coincé entre les rues Ca Na Ferrera et Carrer d’Eivissa, le grand parking est à moitié vide et nous pouvons nous équiper sans gêne ni précipitation pour la première virée que nous a concoctée El Pirata. Les quatre touristes embarquent dans la Némo pour une découverte culturelle, les marcheurs et les marcheuses filent vers le Cap des Pinar (tiens, tiens, on en parlait plus haut) dominé par les 445 m du Mont Talaia, perdu dans la brume. Les cyclistes de leur côté, qui ont perdu Thierry, préférant le discours enjôleur de Jacques au tempérament déterminé de Bruno, car il ne sait pas encore qu’ils sont tous les deux disciples d’une sorte d’encore plus, s’équipent fébrilement alors qu’une légère ondée brumise le secteur. Pour preuve de mes propos, ce tracé n° 1 est long de 114 km pour 770 m de dénivelé et même 157 km et 1 280 m de grimpette pour les addicts de la performance : un peu ambitieux pour un début, d’autant plus que le plafond est bas et le fond de l’air très frais, ce qui, bien sûr, n’est pas à imputer aux organisateurs !
À 8 h 30, nous enfourchons nos bicyclettes à la queue leu leu sur la Ma 2 220, large avenue au goudron impeccable qui longe la baie d’Alcudia. Jusqu’à Can Picafort, soit une quinzaine de kilomètres, ce ne sont que restaurants, hôtels, résidences de vacances, boutiques dont un bon nombre consacrées aux adeptes de la Petite Reine, omniprésents ici. Où est la nature où est la Grande Bleue ? Le capitaine de route a pris les commandes avec son ange gardien dans son sillage, il va bon train sur les interminables lignes droites au profil tranquille mais le crachin s’est transformé en averse. Cette dernière s’intensifiant, nous jugeons raisonnable d’arrêter cette balade qui ne présente aucun attrait à Arta où nous avalons un café pour nous réchauffer. Bruno, Laurent et Claude, non découragés par ce premier round humide, préfèrent continuer quoiqu’il advienne ! Nous rebroussons chemin à vive allure, vent dans le dos et sous une pluie intermittente, croisons de nombreux groupes, ferraillons avec quelques solitaires excités jusqu’à l’entrée de l’agglomération où Évelyne, qui a suivi sans broncher ces escarmouches, a quelques soucis avec son dérailleur, mais Guy veille (je ne lui connaissais pas des facultés de mécanicien) ! Après un coup d’œil vers la mer qui est grise et agitée, nous réintégrons nos quartiers, il est midi, l’heure du casse-croûte que nous partageons dans un restaurant voisin alors que le temps se gâte réellement. Nos trois phénomènes arrivent au moment du café affirmant être passé entre les gouttes, nous remballons et prenons la direction de Port de Soller que le GPS a peine à indiquer. Le paysage est sans intérêt jusqu’à la périphérie de Palma où nous longeons à distance un superbe massif montagneux dont le piémont est occupé par de charmants vergers entourés de magnifiques murets. À Bunyola, nous sommes face à la Serra d’Alfabis qu’il nous faut traverser soit par un tunnel de 3 ou 4 km, soit par le Coll de Soller. Nous optons pour ce dernier qui s’élève régulièrement en lacets à 497 m d’altitude au milieu des terrasses : c’est vraiment joli. Nous entrons dans Soller puis bifurquons à gauche pour la plage de Répic où est situé l’hôtel Citric. Les filles sont déjà dans la place, bénéficiant des chambres les mieux exposées, surtout la nôtre spacieuse avec vue sur mer, certains jaloux ont demandé que nous payions un supplément, c’est non seulement mon anniversaire, aujourd’hui, mais aussi ma fête. Le repas est de qualité, davantage que l’alcool que nous testons au bar. Il s’agit d’un Jägermeister, boisson titrant 35° à base de 56 plantes médicinales : je ne m’étonne pas que nos cousins germains aient souvent la mine renfrognée et une haleine d’apothicaire ! Demain, je paierai ma tournée avec Michelle qui est née, elle aussi le 21, mais une douzaine de mois plus tard. Vers 22 h 30, les plus résistants ont quitté le comptoir, comme le personnel de l’établissement dont certaines n’ont laissés personne indifférent.
Lundi 22 avril :
Le réveil sonne vers 7 h 00. Dehors, le vent est fort et froid, un ciel brumeux masque les crêtes de la Serra Tramuntana, chaîne montagneuse du littoral nord de Majorque classée au patrimoine mondial par l’Unesco. Rien de bien enthousiasmant pour le vélo, aussi préférons-nous grossir le rang des marcheurs, sauf Thierry, qui ne récidive pas (et pourquoi ?), Patrick, Denis, Myriam, Noëlle, Simone et Nicole.
À 9 h 30, nous nous répartissons dans les voitures, munis de nos rations de survie et d’un bon vêtement de pluie et emboîtons le pas de Jacques, qui seul sait où nous nous rendons. La visibilité est nulle lorsque nous sortons de Soller en direction de l’ouest/sud-ouest, après c’est le néant jusqu’à proximité d’Esporles et Banyalbufar où nous avisons dans un large virage un terre-plein où stationner. Nous nous habillons chaudement et sous la conduite du guide suprême, cheminons sur l’allée forestière taillée à flanc de montagne qui en pente douce descend vers la plage de Son Bunyola à travers une forêt épaisse et parfois au pied de colossales falaises. Le brouillard s’est partiellement dissipé, mais la mer que l’on entend reste invisible jusqu’aux abords du remarquable promontoire blanc qui domine Cala Cata. Après une soixantaine de minutes, nous parvenons sur les écueils de roches rouges, qui dominent des flots grisâtres. Nous longeons le récif, traversons le lit à sec d’un torrent et remontons vers la pinède surplombant le minuscule et triste port de Canonge. Ce lieu au rivage très découpé serait idéal pour déjeuner, mais plusieurs d’entre nous ont laissé leur sac dans le coffre. J’ai, heureusement, ma boîte à malice contenant des fruits secs et tout le monde est content d’en grignoter un ou deux, surtout le gingembre dont les bienfaits sont avérés mais attention aux contre-indications liées à une consommation abusive entraînant ballonnements, diarrhées ou brûlures mais plus encore une subornation de disciples vis-à-vis de leur gourou par une tierce personne. Autant dire qu’avec la bouche en feu et le ventre qui tenaille, le retour sera moins nonchalant que l’aller, car il ne faudrait pas rater les douze coups de midi. Le bourg de Banyalbufar, étagé au-dessus des à-pics du Mirador de ses Animes devrait nous offrir un coin privilégié. Il n’en est rien et nous nous perdons dans les ruelles étroites, où s’engouffre un vent violent et froid. Nous avalons rapidement nos sandwichs et rentrons à la maison dans un fog, digne de Londres nous masquant les magnifiques paysages du littoral.
Vers 19 h 00, à l’occasion de nos anniversaires communs à Michelle et à moi, nous nous réunissons dans la salle de restaurant autour d’un agréable buffet préparé par le chef accompagné de blanquette de Limoux et de muscat tirés du sac de Jean, mais aussi de sangria, de jus d’orange et d’un coca, il faut bien que je me rachète auprès de Suzy que j’ai privée de cette boisson diabolique, récemment. Un paparazzi à la recherche du sensationnel, tirera un cliché compromettant de nous deux mais nous ne nous laisserons pas soudoyer ni par ce triste sire ni par Jeannot qui accepterait de fermer les yeux en échange de la coquette somme de 300 000 €, un peu chère cette sage bise ! Dans tout cela, nous avons oublié les autres clients de l’hôtel qui doivent supporter le caquetage de certaines, comme je l’écrivais dans le premier chapitre, ou le verbe haut des malheureux qui aimeraient se faire entendre. C’est promis, demain pour la Saison 2 des festivités, nous serons plus discrets. Parole de Gascons puisque pendant le dîner, la jactance reprend de plus belle.
Le café est excellent mais décidément les digestifs locaux ne sont pas à la hauteur, ce qui est certainement un bienfait pour nos foies.
Mardi 23 avril : Circuit n° 2 de 92 km et 1 790 m de dénivelé.
Après un copieux petit-déjeuner, nous nous réunissons pour la photo de l’équipe au complet, le scissionniste ariégeois ayant réintégré sa famille. Nous roulons dans les rues désertes de Soller jusqu’au croisement de la Ma 10 à droite qui se faufile au milieu des oliveraies, des vergers de citronniers et d’orangers chargés de fruits. Impeccablement goudronnée, elle épouse les courbes de niveau et monte, parfois sèchement jusqu’à la charmante localité de Deia. Bruno, comme à son habitude, imprime un rythme soutenu, ce qui comble Laurent, toujours à son affaire lorsque la pente s’accentue, les autres sont distancés sauf Claude qui préfère la compagnie des « Géants de la route » à celle des flâneurs ou des clampins : au moins nous n’aurons pas à subir le chuintement décourageant de son engin. À la sortie de l’agglomération, un virage nous offre un panorama à couper le souffle avec la Punta de sa Foradada en contrebas, les falaises abruptes au sud de Port de Soller et une côte échancrée vers Banyalbufar où nous étions hier. Tout le monde est sous le charme de ce bord de mer que nous ne nous attendions pas à trouver si grandiose : « on regarde, comme tu nous l’as souvent répété » me dit Laurent, sourire facétieux au coin des lèvres. Au carrefour des Ma 10 et Ma 1 130, nous virons à gauche sur une longue ligne droite, se prolongeant par d’amples virages jusqu’au Coll d’en Claret (560 m et 5 %). Nos deux baroudeurs s’en sont donné à cœur joie sur ce billard, éperonnés par un Claudius, toujours pugnace, je les suis à courte distance devant les autres échelonnés à l’arrière dont Denis, handicapé par une douleur dans la poitrine. Guy, qui ne s’est pas prêté au jeu, franchit la ligne bon dernier, prétextant qu’il veille, sur qui ou quoi, il ne nous le dira pas. Emportés par notre élan, nous avons raté le croisement de la première option facultative et, bien entendu, nous rebroussons chemin pour enquiller sur la Ma 1 131 qui relie Valldemossa à son port. Il s’agit d’une voie étroite et lisse traversant maquis et vergers plantés de pins, de chênes verts et d’oliviers, séparés, comme partout de murets impeccablement bâtis. Après un premier tronçon tranquille, elle bascule subitement sur le versant à-pic de la montagne décrivant une succession d’épingles resserrées. La vue sur la marina et la côte déchiquetée est époustouflante. Nous abordons cette pente avec prudence et tant mieux car au km 3, ma roue arrière glisse sur le revêtement humide et je fais une cabriole qui me laisse groggy en travers du passage. Merci à Celse, Thierry et Laurent qui m’aident à me relever et réglent mon vélo. J’en suis quitte pour un violent choc sur la cuisse gauche, un doigt tordu, quelques ecchymoses et une forte douleur. Mon Scott, quant à lui, mis à part une cocote envolée et un guidon tordu ne présente pas de problème apparent mais il faudra que je le fasse réviser, en attendant, je vais appréhender les pentes avec précaution voire crainte. Cette bûche aura stoppé toute velléité de descendre vers la mer mais surtout d’affronter la redoutable remontée. Tant bien que mal, j’enfourche ma monture et grimpe lentement jusqu’au sommet. Nous rejoignons le reste de l’équipe qui nous attend à l’intersection. Par bonheur, la brûlure s’atténue lorsque je pédale, ce qui n’est pas le cas lorsque je marche ou m’assieds, je décide de continuer, je n’ai d’ailleurs pas trop le choix. La seconde ascension puis la descente du Coll d’en Claret sont plus tranquilles. S’ensuit la deuxième option du jour vers le Port des Canonge, moins longue et moins spectaculaire, mais pas mal cependant. Tout le monde a bien retenu la leçon et nous entamons les nombreux lacets avec prudence mais Bruno puis Celse, à leur tour, embrassent le goudron : nous avons la scoumoune aujourd’hui !
À midi nous sommes dans la rue principale de ce minuscule port à la recherche d’un coin pour manger, nous le trouvons sous les pins au-dessus d’un austère embarcadère en béton où se baignent deux phoques blancs ou quelque chose comme cela, je ne suis pas un spécialiste des pinnipèdes, mais ceux-là sont affublés de caleçons fourrés, ce qui s’explique vu la température de l’eau. Après avoir avalé nos encas, nous nous attaquons au plat de résistance, plus pentu que nous l’imaginions avec des rampes à 10 % et des virages à 12 ou 13. Nous nous regroupons en haut avant de filer sur la très empruntée Ma 1 100 jusqu’à Esporles, où, surprise, Bruno nous propose une pause-café sur l’esplanade ombragée que de nombreux pelotons cyclistes ont colonisée, c’est inimaginable ! Nous reprenons notre équipée sur la Ma 1 100 puis la Ma 1 120 jusqu’à Palmayola, coupons la grande route en direction de Santa-Maria puis remontons à Bunyola au pied de notre vieille connaissance, le Coll de Soler. Le paquet s’égrène au fil des kilomètres, devant, les baroudeurs avec un Claude sûr de lui, enfin du pourcentage, pas celui du col dont il n’a que faire, celui de sa batterie, derrière un second trio qui se livre une lutte intestine, dont je ne suis pas le vainqueur, à la suite le trio Denis, Thierry et Évelyne moins belliqueux, enfin Guy qui veille toujours !! La descente est rapide mais on sent un peu de retenue, certainement à cause des gamelles matinales. Guitou, toujours prudent lorsque la terre penche, se ravise sur le plat et nous fait son numéro de Solenzara, en plaçant un démarrage appuyé : ça roule très fort jusqu’au bout et nous manquons de peu de percuter une Mamie imprudente. À 15 h 30, nous arrivons à l’hôtel sauf Bruno et Guy qui doivent se rendre au centre-ville pour des problèmes de dérailleur.
Les Filles rentrent stressées de leur vadrouille, plus particulièrement de leur visite à Sa Calobra où la circulation des cars, des voitures et des vélos était infernale. Les randonneurs de leur côté déplorent, la chute de Caroline, la deuxième, après celle de Suzy, avant-hier.
Ce soir, on termine les restes de la veille, pas ceux de la popote mais ceux de notre apéritif avant de passer à table toujours dans un brouhaha indescriptible, nous sommes incorrigibles.
Mercredi 24 avril : Circuit n° 6 de 100 km et 1 870 m de dénivelé.
À 7 heures, le ciel est bleu, la mer est calme et les hauteurs sont parfaitement dégagées, mais la température est encore basse. Je fais le bilan de ma cabriole d’hier, il n’est pas brillant : mon petit quinquin a pris de la rondeur et de la couleur, ma pommette gauche vire au bleu, le haut de ma cuisse est orné d’un énorme œdème prolongé jusqu’au creux poplité d’un épanchement sanguin et d’une brûlure sur le côté. Moral, je n’ai pas la forme olympique et décide d’accompagner Titite, même si les huiles essentielles de MarieT, m’ont soulagé pendant la nuit.
Les crapahuteurs ont pris la direction des hautes cimes perdues dans les nuées et les Filles, celle des monuments et des boutiques de Palma.
C’est avec regret que je vois le peloton amoindri s’élancer sur la face nord du Coll de Soller. De là, il dévale vers Bunyola et Santa Maria où il marque une pose pour regarder, tel un troupeau de vaches, passer le train, avant de s’aventurer sur un chemin improbable au milieu des cultures d’amandes vers Conseil, Binissalem, Lloseta, Mancor, Caimari. C’est au sommet du Coll de Sa Batalla que notre aventure sera commune, le temps d’un sandwich sous l’œil bienveillant d’un prélat de bronze. Sous l’impulsion de Bruno et Laurent, les 33 kilomètres accidentés les séparant de l’arrivée seront avalés à vitesse grand V, c’est ainsi que nos voltigeurs se consolent d’avoir trouvé porte close sur le chemin escaladant Puig Major. Il n’y a qu’eux, je pense, pour regretter cette effrayante grimpette.
De notre côté, voulant conjurer le mauvais sort vécu par la Némo sur les coteaux de Sa Calobra, nous choisissons d’y retourner. Magnifique itinéraire dans la Serra de Son Torrella jusqu’au tunnel puis les deux lacs de Cuber et de Gorg Bleu, fantastique descente vers la Cala de Sa Calobra avec un trafic quasi inexistant, mais déjà une bonne cinquantaine de grimpeurs ailés se préparent à l’épreuve de vérité. Nous flânons sur l’esplanade et partons à la découverte de l’embouchure du torrent de Pareis auquel on accède par deux galeries creusées dans la falaise calcaire. Nous n’irons pas bien loin, car la rivière coule assez fort dans son lit, cernant la grève, où hier se prélassaient de nombreux vacanciers. Les gorges en amont sont un appel à la découverte, mais je ne suis pas certain qu’elles soient praticables sans risque en dehors de la saison sèche. La remontée est très tranquille, mis à part deux cars et une poignée de voitures, nous n’aurons à faire qu’à des cyclistes isolés, pas tous très à l’aise, il faut reconnaître que les 9,5 km de lacets sont parfois bien pentus. Vers 11 h 30, nous sommes au carrefour et pensons que nos amis croiseront dans le secteur vers midi, aussi allons-nous nous poster au Mirador de s’Entreforc, près d’Escorca, pour les attendre, mais ça traîne un peu car ils n’arrivent pas. À 12 h 15, nous continuons vers le Coll de Sa Batalla ou Bataia où se sont donné rendez-vous de très nombreux clubs et individuels, c’est assez ahurissant, on se croirait aux heures les plus chaudes de l’Ardéchoise, version germano-anglo-néerlandaise. Nous devrions les voir venir, appel du ventre aidant ! En effet, nous ne tardons pas à distinguer Bruno, Laurent, Claude puis les autres et toujours en retrait, Guy qui veille, en l’occurrence à l’appel de son horloge biologique. Incommodés par la foule et le bruit, nous jugeons plus agréable d’aller pique-niquer vers le monastère de Lluc, un kilomètre plus bas. Là encore, il y a une flopée de vacanciers, mais le site est plus tranquille, certainement en raison de la solennité de ce lieu voué à la religion et aux marchands du temple. Après le casse-croûte et le café, chacun vole vers sa destinée : les rouleurs pour 35 km d’un magnifique parcours qui se terminera par une longue et belle descente au tracé impeccable ; de notre côté, nous poursuivons notre excursion à travers la Serra de Sant Vicenç jusqu’à Pollença puis le Port de Pollença avant d’entamer la découverte du pittoresque Cap de Formentor, superbe éperon rocheux d’une vingtaine de kilomètres qui s’avance dans la Mer des Baléares vers Minorque qui, dans le passé, lui était rattachée. L’affluence étant à son paroxysme en début d’après-midi, il faudra que nous partions de bonne heure si nous souhaitons venir vendredi ou samedi. N’ayant plus assez de temps pour jeter un coup d’œil sur la côte sud et ses joyaux souterrains de Coves d’Arta et Coves del Drach, nous rebroussons chemin.
Ce soir, c’est le traditionnel pot du club et nos pauvres voisins auront encore à supporter le cacabement (= chant harmonieux de la pintade) de certaines ou de certains et le verbe haut des autres. Merci à la direction de nous avoir préparé de succulentes tapas et fait découvrir le champagne local. Pour ne point froisser les Champenois, je devrais préciser vin effervescent ou mousseux, voire crémant car il n’y a de champagne qu’en Champagne ; la bulle, cependant, reste agréable à déguster comme dirait MarieT, nous la préférons, elle et moi à la sangria dont les fruits, aux dires de Jean, auraient des conséquences néfastes sur la bonne tenue du quidam qui en avalerait trop, et nous l’avons vérifié mais nous tairons le nom de ceux qui ont abusé de la tranche de pomme ou du quartier d’orange au point d’élever la conversation d’un ton ou deux !
Jeudi 25 avril :
Le vent qui a soufflé toute la nuit a apporté de la fraîcheur et du brouillard sur la mer et les reliefs, et même quelques fines gouttes de pluie, ce sera donc le rituel jour de repos des forçats de la route qui iront pour certains, magasiner dans la capitale et pour d’autres, chausser le croquenot et la chaussette anti-transpiration, anti-ampoule, anti-odeur : pas facile de s’improviser marcheur !
Nous partons en convoi vers la destination que nous a choisie Maître Jacques. Le trajet est magnifique et nous nous extasions devant ce paysage grandiose, un peu plus ceux qui reviendront demain pour affronter cette belle route qui en lacets relie le Coll Dels Reis à Cala de Sa Calobra, soit près de 700 mètres de dénivellation en 9,5 km, d’où un pourcentage variant de 5 à 12 %, de plus, il n’y a pratiquement personne. Après un petit tour dans la station balnéaire, nous nous dirigeons sur la droite vers l’embouchure du torrent de Pareis, but de notre virée, mais le niveau de l’eau nous barre très rapidement le passage, la sortie du canyon est noyée et les parois abruptes ne nous permettent pas d’escalader pour contourner l’obstacle. C’est bien dommage car le décor est somptueux me rappelant un peu les Gorges de la Samaria ou de l’Aradena en Crête en un peu moins profond, je pense. C’est avec regret que nous renonçons à cette remontée sportive de 6 km. De retour au village, nous rencontrons des gens qui viennent de descendre et qui nous confirme qu’ils ont dû se mouiller et nager dans certains tronçons. Notre Saint-Bauzillois a plusieurs cordes à son arc et nous propose une tranquille grimpette sur les montagnes qui surplombent à l’ouest la baie. Une jolie allée conduit à un hameau cossu aux maisons de pierre, puis nous empruntons une sente qui se faufile dans les joncs et aboutit sur un terre-plein au bord de la route de Cala Tuent. Derrière nous, trône l’ermitage de Sant Llorenç, lui aussi en pierre parfaitement jointoyée. Nous franchissons la grille du sanctuaire pour suivre une trace jalonnée de cairns qui escalade le versant pentu de la falaise qu’il faut contourner par trois ou quatre échelons et une main courante, Guy a cessé de veiller et refuse de continuer, l’acrobatie et le vide n’étant pas son fort. Une longue procession nous amène sur un plateau où a été édifiée une tour de guet similaire à celles que l’on voit en Corse, la Torre de sa Molla de Tuent. Le site est réellement beau, idéal pour le casse-croûte que nous prenons sous les pins, au bord des falaises qui surplombent de 472 m la grande bleue. Je réitère mon petit tour de séduction en sortant ma boîte magique, l’ami Jacques perd du terrain, mais conserve toutefois une bonne avance sur moi, n’est pas Gourou qui veut ; il n’en accepte pas moins un ou deux morceaux de gingembre confit ! Inquiets, nous observons les flancs de la montagne où cars, bagnoles et deux-roues se croisent difficilement : ça nous promet bien du plaisir. Nous reprenons le chemin du retour qui, contrairement à la montée, me pose de sérieux problèmes, récupérons Guy au pied de l’échelle, il n’a pas bougé d’un pouce, maraudons deux oranges sans saveur ni jus avant de glisser vers nos voitures. La remontée vers le carrefour se fait sans trop de problème malgré la circulation qui s’intensifie notablement. Nous nous rendons ensuite au monastère de Lluc, certains d’entre nous désirant brûler un cierge à Saint Clou, dieu de la bicyclette, pour qu’il leur donne des ailes en vue des difficultés à venir, elles ne manqueront certainement pas. Nous traversons l’esplanade, le jardin des magnolias, le parvis de l’église, pénétrons dans celle-ci qui contrairement à l’architecture dépouillée mettant en valeur le travail des artisans de la pierre, présente un style chargé et peu harmonieux. En pénitence, nous devons suivre la voie qui conduit à une disgracieuse croix trônant sur une colline rocheuse. De là-haut, on a une très belle vue sur l’ensemble des bâtiments et sur l’autre versant vers une demeure bourgeoise entourée de vergers clos. Cet endroit remarquable respire la sérénité, on aimerait bien y aller mais la belle allée sinueuse qui dévale en lacets dans la cuvette et trace vers la propriété est privée, au grand dam du Pirate.
Une bonne heure de conduite est nécessaire pour rentrer au Citric où ce soir encore, au grand désespoir des autres clients, un apéritif est offert aux membres du club par je ne sais trop qui, Claude peut-être qui vient de franchir allègrement le cap des 80 : on lui achèterait bien sa santé et sa forme car aujourd’hui, il a marché, en chaussures « bateau » dans les pas du gourou de la Tramuntana, aussi facilement qu’il enroule les gros braquets de sa machine. Je le soupçonne, car je le sais bricoleur, d’avoir branché sa batterie sur ses semelles, tellement, je l’ai senti frétillant et désinvolte.
Vendredi 26 avril : Circuit n° 5 de 130 km et 2 900 m de dénivelé + pour certains et - pour d’autres.
Le programme est chargé pour tout le monde : les marcheurs, interdits eux-aussi du Puig Major ont porté leur dévolu sur son dauphin, le Puig de Maçanella (1365 m), je crois. Yolande, Nadia, Nicole, Noëlle et Simone continuerons leur tournée culturelle à Alfàbia, Deia et Valldemossa, tandis que les pédaleurs entreprendront une longue et difficile étape.
Après la traversée de l’agglomération, nous entrons dans le vif du sujet sur les flancs de la Serra de Son Torrella, dans la forêt verdoyante qui couvre tous les versants, la pente n’est pas très forte mais le groupe se disloque inexorablement, chacun selon ses moyens et ses envies. Au km 6, nous arrivons au Mirador de ses Barques qui découvre un superbe panorama sur les falaises entre la Punta Llarga et la Punta de Cala Roja. Si je suis parvenu à leur faire lever le pif et ouvrir l’œil sur leur environnement, je n’ai pas encore réussi à ce qu’ils mettent pied à terre au cours d’une ascension, ça viendra peut-être, je ne désespère pas. Vers le km 15, nous nous engouffrons dans un tunnel sombre et froid, Laurent et Bruno sont revenus au-devant des retardataires, d’abord Celse et moi nez en l’air, puis Patrick tête dans le guidon, Évelyne, Thierry et Denis détendus malgré la difficulté, Guy qui a demandé qu’on le laisse seul car il a besoin de réfléchir, est à l’arrière. La voie, parfaitement dégagée redescend dans une vallée où les deux barrages qui alimentent Soller ont été construits. Sur notre gauche, le profil imposant du Puig Major (1 445 m), point culminant de l’archipel nargue Bruno et Laurent qui avaient mis sa rude ascension à leur menu, l’armée qui s’est approprié le massif en a décidé autrement. Nous pédalons à vive allure car il ne fait vraiment pas chaud, tout juste une dizaine de degrés, avec un ressenti moindre car une légère brise souffle sur le plateau. À la sortie du second souterrain, après un « rampailloux » et une amorce de descente, nous parvenons au carrefour, bifurquons à gauche pour aborder les 3 km forts escarpés du Coll dels Reis (682 m) où nous dépassons bon nombre de cyclistes. Le passage de la crête nous gratifie d’un spectacle grandiose sur le littoral escarpé et la Ma 2 141 qui dévale en lacets vers Sa Calobra : quel casse-tête pour les ingénieurs qui l’ont tracée et plus encore pour les ouvriers qui l’ont construite. Chacun au gré de ses craintes et de sa fantaisie s’engage sur un enchaînement d’une trentaine de virages. Au bas, nous emmenons Patrick, Denis et Thierry découvrir les splendeurs du Torrent de Pareis, avant de nous confronter à la difficulté majeure du jour. « On y va », clame Bruno sans se retourner en appuyant sur les pédales mais tous ne sont pas prêts, les premiers, comme à l’habitude, attendront les derniers, un peu plus en l’occurrence. La pente est régulière avec plusieurs coups de cul mais aussi des paliers de repos. Sans me sentir des ailes, j’ai la sensation que mon rythme est bon, je rattrape d’ailleurs Celse alors que notre Hardi Président est dans ma ligne de mire deux ou trois lacets au-dessus, Évelyne, Denis et Thierry plus avant encore. Je rejoins les deux premiers que Patrick a avalés mais pas Thierry qui peut-être ayant senti du monde derrière lui a accéléré, il a la patate le Haut-Marnais, malgré son manque d’entraînement. Je double aussi Guy que je suis étonné de trouver là car il avait disparu des radars depuis la sortie de Soller et je coiffe mon Médusé Président sur la ligne (ça aura été dur !). Nous nous regroupons près du pont où la route décrit un cercle complet pour immortaliser cette épopée puis filons jusqu’à l’embranchement où est installé un café nommé « Probably Seasonnal », drôle d’appellation en Espagne. Les compteurs indiquent 47 km et + de 1 7/1 800 mètres de dénivellation, un record du moins pour moi. Des groupes affluent du nord, de l’est et de l’ouest mais nous dégotons des chaises et un espace tranquille pour nous reposer et bouloter le contenu notre musette. Au moment de repartir, Claude semble dépité, il n’a plus le sourire assuré des bons jours, pourtant il a bagarré tout au long de cette première partie avec l’élite du CC Ganges. Fortement contrarié, il nous confesse que sa batterie ne tiendra pas la distance qu’il ne lui reste que 40 % et qu’il va devoir, la mort dans l’âme, rentrer directement avec Denis, malade, Thierry, à cours d’entraînement, Guy en veille et Évelyne qui suit son mari pour ne pas le froisser. Claude, le champion de la racine carrée, de la règle de trois et des pourcentages doit renoncer pour la première fois de sa carrière de Vaeiste, il semble avoir du mal à l’admettre, mais c’est sans doute inédit de se trouver dans une telle situation : une sortie au profil très accidenté de 120 km + les ajouts du Pirate et 2 800/3 000 mètres de dénivelé. La mort dans l’âme, il emboîte le pas de ces compagnons, ceux qu’il ne côtoie guère qu’en haut des bosses. De notre côté, nous nous dirigeons vers Escorca, le Coll de sa Batalla puis à droite sur la Ma 2 130 qui dans un décor enchanteur nous amène à Caimari et Selva sur le piémont de la Serra Tramuntana. Dans le village, nous tournons à droite vers Lloseta et Alaro avec un tronçon de plat auquel nous n’étions plus habitués. Nous y croisons de nombreuses équipes pédalant à fond, pifs dans le cintre. Alaro est une localité, propre et bien ordonnée, nichée au pied de collines couvertes d’oliviers et d’amandiers à courte distance du Col d’Orient (497 m) conduisant au village éponyme, au charme indéniable, certainement le plus coquet que nous ayons vu depuis dimanche. La Ma 2 100 se cabre à la sortie du hameau pour atteindre en quelques kilomètres le Coll d’Honor (560 m) qui se dresse au-dessus de Bunyola. Jusque-là, ça va, peut-être parce que nous avons roulé plus tranquillement dans cette seconde partie ? La descente est très agréable mais devient risquée lorsque nous entrons dans les faubourgs de la ville où nous attendons Celse, notre reporter-photographe. Nous attrapons la Nationale, rectiligne et légèrement montante avec un vent défavorable. Le calvaire commence pour moi, j’ai mal aux reins et dans la jambe droite qui a compensé instinctivement la gauche blessée. Je laisse filer mes camarades et monte paisiblement les interminables lacets du Coll de Soller avec un arrêt de quelques minutes pour récupérer. Laurent est venu à ma rencontre comme il le fait souvent avec Bruno et m’encourage jusqu’au sommet. Je suis bien sûr plus à l’aise sur l’autre versant même si j’ai depuis ma culbute une flopée d’images de pépin qui me trottent dans l’esprit. Nous rentrons à l’hôtel en fin d’après-midi. Nous installons nos montures sur les porte-vélos en vue d’un départ dès potron-minet ; prenons une bonne douche avant de nous retrouver pour le 6èmé épisode « Les Gangeois font la fête » : pauvres voisins.
Aujourd’hui, Évelyne et Thierry pour nous remercier de l’accueil du club et Guy pour fêter avec retard ses 60 ans ont cassé la tirelire. Avant de trinquer, les Mirapiciens nous honorent d’un chaleureux discours scellant définitivement le jumelage de nos deux clubs et Guy nous narre avec son accent imagé teinté de malice, les chroniques d’un nouveau soixantenaire débutant par une gestation de 23 mois dont il est issu, un de plus que l’éléphante, la plus longue de l’espèce animale, son départ dans la vie à pleine dent sans « S » puisqu’il en n’ avait qu’une mais à la naissance, sa première émotion sexuelle à 10 ans dont je tairais l’endroit, sa première rencontre féminine vers la trentaine et d’autres anecdotes tout aussi truculentes : à suivre pour son prochain anniversaire. Il nous a bien fait rire. Pour le remercier, les filles lui dédient une chanson de leur composition, Nadia principalement, dont il s’émeut au point de verser une larme (j’en rajoute).
Nous passons à table alors que nos voisins terminent leur dîner et quittent la salle, ne reste qu’un couple de joueurs de cartes qui se soucie fort peu de notre remue-ménage pourtant la discussion a pris de la hauteur car la journée a été riche en événements et rebondissements. L’ambiance est plus calme sur le zinc où se retrouvent les piliers de la bande : Jean, Jacques, Patrick, Thierry, Laurent et quelques autres dont votre scribouillard en quête de potins savoureux ou amusants qui font cruellement défaut cette année, je ne fréquente le bar que pour cette raison, vous vous en doutez ?
Samedi 27 avril : Circuit n° 4 remanié de 80 km et 1 200 m de dénivelé.
Yolande est venue grossir le groupe des marcheuses, il est fort ce Jacques, il va falloir que j’achète le gingembre au kilo ! Il lui a promis que la balade serait facile mais je ne suis pas certain qu’il tienne parole car un imprévu peut survenir à tout instant et l’imprévu, il adore ça le marcheur de l’impossible. Je sais que les « Bravettes » forment une coterie soudée et qu’elles soutiendront leur copine, tout comme les autres.
À 8 h 30, les porte-vélos sont fixés sur les boules d’attelage et les participants se sont engouffrés dans les voitures car il ne fait pas très chaud. Une heure plus tard, nous arrivons à Alcudia et garons nos véhicules sur le parking où nous étions à notre arrivée. Tout le monde est radieux car notre Capitaine a réduit la distance, nous n’irons que sur les deux caps qui enserrent la baie de Pollença, soit à vue de nez 80 km au lieu de 103.
À peine en selle et c’est déjà les bordures, la nationale est impeccable, plate mais balayée par un vent de travers. La Ma 2 220 puis une piste cyclable sont parallèles à l’immense plage en arc de cercle qui relie notre point de départ à la station balnéaire de Port de Pollença, à l’approche de l’agglomération, il y a deux bandes de roulement, une dans chaque sens ce qui rend la situation dangereuse. À Can Singala, une route plus étroite escalade les premiers contreforts du cap jusqu’au Mirador des Colomer, 212 mètres plus haut. Une course professionnelle monopolisant une bonne partie du réseau routier a contraint les touristes à se concentrer sur quelques régions de l’île dont ce Cap de Formentor, merveille de Majorque. Ce raidard n’a pas été facile pour ceux qui ont souffert hier, par contre, Laurent, en forme éblouissante, s’est envolé avec Bruno et sans doute Claude qui n’a pas encore digéré sa déconvenue d’hier. Derrière, Évelyne et Thierry ont renoncé sur ennui mécanique et sont partis à la recherche d’un vélociste pour réparer le dérailleur sur lequel veillait Guy depuis le premier jour. Ayant visité le site, mercredi, je propose de surveiller les vélos pendant que mes amis « grimpatouilleront » dans les rochers jusqu’au belvédère qui surplombe la Cala Vall de Boquer et les falaises hautes de 200 mètres de la face nord. La tour qui se dresse au bout d’une voie étroite et sinueuse sur notre droite n’a pas échappé à l’œil averti de Bruno, voilà un encas pour agrémenter ce parcours, mais au retour. La route descend, remonte puis redescend encore jusqu’à l’aire de stationnement de la plage de Formentor, elle tourne à gauche en angle droit, s’enfonce dans une belle pinède et grimpe vers le tunnel qui débouche sur les falaises et la mer : ce tronçon est majestueux. La pointe est à deux pas, après une descente suivie d’une côte, toutes les deux fort inclinées. Sur le terre-plein, auquel nous n’avions pu accéder en voiture lors de notre promenade mercredi se pressent une multitude de cyclistes et de nombreuses voitures, une queue effrayante barre l’entrée du restaurant. A moins de s’aventurer sur les rochers, la vue vers l’extrémité du cap est assez décevante depuis les terrasses qui entourent le phare, par contre, derrière le paysage est fantastique. Compte tenu de la cohue, nous préférons déjeuner dans le virage plus bas, même près du collet sur le versant opposé. Nous nous installons au bord de la chaussée avec vue imprenable sur la Cala Figuera, sous un soleil enfin chaud et au milieu d’un sentier de randonnée, obligeant les promeneurs à se détourner. Évelyne et Thierry nous y retrouvent après leur marathon en ville où ils ont loué un vélo et une course-poursuite pour raccrocher le wagon. Nous repartons jusqu’au Mirador pour que les uns escaladent leur mamelon et les autres découvrent le belvédère puis nous redescendons jusqu’à Alcudia. C’est après deux ou trois erreurs que nous dénichons la direction du Cap des Pinar, cher à Jacques. La route qui suit le littoral est très accidentée et se termine par un sérieux raidillon sur l’esplanade de l’Ermita de la Victoria squatté par les invités d’un mariage bruyant : tout est bon pour faire de l’argent dans la religion. Nous revenons sur nos pas et bifurquons sur une autre route qui file vers le cap ci-dessus nommé, mais 1,5 km plus loin elle pénètre dans un tunnel fermé par un portail métallique. Au-delà, les terrains appartiennent à l’armée, je savais bien que les militaires avaient quelques accointances avec le pinard, en réalité pinar signifie pin et non vin en catalan ! En tout cas, cette presqu’île et la péninsule de Formentor en face sont remarquables. Nous rentrons rapidement vers le centre-ville puis filons à Port de Soller où nous arrivons à 18 h 30.
Les marcheurs débarquent peu après nous. Yolande est contente de sa balade même si elle en a bavé plus que prévu. Tout le monde a été attentionné, Michelle, Jean, les Bravettes et les autres. Jacques aurait-il gagné une nouvelle adepte ? Pour le remercier des superbes randonnées qu’il a organisées, ses fans lui ont offert une casquette, je ne la trouve pas terrible sa « Mallorca » : la jalousie à n’en pas douter !
Dernier apéritif, dernier repas et derniers pots au bar, les plus résistants montent se coucher vers 23 h 30. Le réveil, demain de très bonne heure va être laborieux.
Dimanche 28 avril :
La douce sonnerie de mon réveil résonne à 3 h 40. Nous n’avons plus qu’à sauter dans nos vêtements après une toilette de chat, les bagages ayant été bouclés hier soir. La direction qui dit avoir apprécié notre présence, malgré le piaillement des uns et le rugissement des autres, nous a préparé un petit-déjeuner complet : merci !
Nous fixons les porte-vélos chargés sur les voitures et prenons la route d’Alcudia, notre Némo poussive ne pouvant suivre la vitesse des grosses cylindrées. À 5 h 50, nous nous garons derrière Celse près du port, les autres ne sont pas encore là. L’embarquement se déroule sans précipitation même si on sent que les employés espagnols sont moins performants que ceux qui opèrent sur les traversées vers Ajaccio ou Bastia, ce qui est étonnant ! Le légendaire laxisme des Corses serait donc une légende ?
Nous avons une grande salle avec des fauteuils confortables à notre disposition pour cet interminable voyage d’une demi journée ou presque. Nous montons sur le pont pour assister à l’appareillage du ferry et contempler les magnifiques côtes de cette surprenante île. Après une heure de navigation, l’azur du ciel fait place au blanc puis au gris des nuages, le vent se lève et la houle secoue la masse pourtant monumentale de notre navire. La mer se calmera dans la rade de Toulon, autant dire qu’il va y avoir des tronches d’enterrement et des expulsions incontrôlées, la plus spectaculaire étant celle de Celse directement du consommateur au recycleur, c’est à dire dans la poubelle près de laquelle il est assis, mais il y en a eu d’autres plus décentes qui elles aussi ont terminé dans le même réceptacle mais soigneusement empaquetées dans un plastique.
Nous accostons par beau temps dans la capitale varoise, nous nous saluons dans le garage et débarquons en ordre dispersé dans le port. Vers 22 h 30, nous déposons Guy à son domicile, demain, il récupérera mon vélo et l’emmènera avec le sien chez le mécano pour une révision avant notre prochaine escapade à Meursault, du 7 au 12 mai.
ÉPILOGUE :
Lorsqu’on parle des Baléares, on pense tout de suite à ses plages de sable fin et à ses night-clubs envahis par une foultitude de touristes mais Majorque nous a montré autre chose : la magnificence de ses montagnes et de sa côte, la sérénité de ses villes et villages, la beauté de ses vergers et la dextérité de ses pierreux, le tout dans une propreté que leur envieraient Suisses et Scandinaves. La présence de tant de cyclistes dont une belle proportion de féminines a étonné tout le monde, à tel point que nous avons à peine remarqué les vacanciers en bermuda et les habitants, pourtant nombreux. Comme quoi, il n’est pas bon d’avoir des a priori !
Ce séjour, comme les précédents, s’est parfaitement déroulé même si on déplore quelques chutes entraînant le bris d’un vélo, le mien en l’occurrence : je vois déjà Jean-Luc se frotter les mains. Il manquait peut-être d’un peu de chaleur et de soleil que nous imaginions présents dans ces terres du sud et plus encore d’une verveine ou d’une izarra locales pour agrémenter les fins de soirée !
Merci à Myriam et Denis, Évelyne et Thierry d’avoir apporté du sang neuf et une joyeuse contribution à la réussite de ces vacances. Merci à ceux et à celles qui se sont investis pour que les choses soient agréables pour tout le monde : au Pirate pour ses superbes parcours semés d’embûches mais tempérés par Celse, au Gourou pour ses baguenaudes passionnées et à notre Vénéré Président pour s’être chargé des fastidieuses paperasses et des moins ennuyeuses relations avec la direction de l’hôtel Citric ! Merci enfin à ceux que je n’ai pas cités d’avoir participé à ce succès.
Je regretterai, seulement, que vous ne m’ayez pas beaucoup aidé à noircir ces pages avec quelques anecdotes croustillantes et que notre Inflexible Président m’ait sommé de boucler ce texte avant notre départ pour trois semaines, vendredi à l’aube, m’obligeant à veiller. J’espère que vous serez indulgents avec moi lorsque vous rencontrerez des fautes de français, de syntaxe, d’orthographe, de grammaire et surtout des répétitions, la bête noire de l’écrivaillon que je suis.
A l’année prochaine vers l’Alsace, la Crête, la Sardaigne, la Sierra de Guarra ou pourquoi pas la Tasmanie, les destinations ne manquent pas, enfin, partout où il ne pleut pas !
Jacky le bourguignon